La musique en Afrique un révélateur social
Des chants et tambours ancestraux aux danses populaires urbaines, en passant par les œuvres de musique savante, la richesse musicale du continent africain n'est plus à démontrer. Or ce que nous appelons « musique africaine » se révèle être un phénomène syncrétique, où passé et présent, tradition et innovation entretiennent un véritable dialogue.
Dans la société africaine traditionnelle, la musique accompagne chaque étape de la vie. Elle est le lien essentiel de tout acte social. Indissociable des fêtes profanes, elle tient lieu de communication entre le monde des vivants et le monde des ancêtres pendant les rituels.
Les trois piliers de la musique africaine...
La musique traditionnelle
La musique africaine est polyrythmique. Elle associe plusieurs instruments de musique tels que le balafon, la kora, le tam-tam, les castagnettes, la flûte, la calebasse et bien d'autres. Elle s'inspire de l'art des Griots, qui sont des conteurs traditionnels qui véhiculent oralement la mémoire de leur peuple.
La musique tradi-moderne
Cette musique marie les instruments modernes et les instruments traditionnels africains. C'est celle qui domine actuellement la scène musicale en Afrique.
La musique afro-pop
L'afropop est la musique populaire en Afrique. Ce n'est pas un style en soi, mais un mélange de danses et de rythmes entre la musique pop américaine et la musique africaine. Un exemple bien connu de tous, le congolais Ghandi Bilel Djuna (Maître Gims) est très populaire un peu partout sur le globe. Il parle entre autres de la sapologie, un mouvement et même une sorte de religion qui encourage à mettre ses plus beaux vêtements et à viser l'élégance.
Et la danse ?
La musique africaine reflète et façonne à la fois l'image collective de sa terre, de son peuple, de ses ressources matérielles et spirituelles et de sa culture. Elle présente une profondeur historique, ainsi qu'une étonnante diversité dans ses objets sonores, ses langages, ses affiliations rituelles, ses styles et ses idéaux. Pour reprendre l'expression de Christopher Small ̶ se décline en toutes sortes de termes : on bat, on secoue, on touche et on joue ; on dit, on récite, on se souvient et on chante ; on bouge, on agite son corps, on se regarde faire et on danse. Nous avons donc tout intérêt à ne jamais perdre de vue cet horizon sémantique élargi lorsque nous parlons de « musique africaine ».
La Rumba congolaise
La Rumba congolaise est un genre musical et une danse populaire dans les zones urbaines de la République démocratique du Congo et la République du Congo. Généralement dansée par un couple composé d'un homme et d'une femme, il s'agit d'une forme d'expression multiculturelle originaire d'une ancienne danse appelée « nkumba ». La rumba est utilisée lors de célébrations et de jours de deuil, à la fois dans les espaces publics, privés et religieux. Elle est accompagnée par des orchestres, des choeurs, des danseurs et des musiciens solistes. La tradition de la rumba congolaise est transmise aux jeunes générations via les clubs de quartier, les écoles de formation officielle et les organisations communautaires.
Le Raï algérien
Le raï est une chanson populaire d’Algérie. Moyen de véhiculer la réalité sociale sans tabou ni censure, le raï aborde des thèmes tels que l’amour, la liberté, le désespoir et les pressions sociales. Il était à l’origine pratiqué en milieu rural par des doyens qui chantaient des textes poétiques en arabe vernaculaire, accompagnés d’un orchestre traditionnel. Au fil du temps, le raï s’est progressivement imposé, d’abord au niveau national lors des rituels et des mariages, puis au niveau mondial grâce à des artistes tels que Khaled et Mami, déplaçant les spectacles des espaces clos vers les événements culturels, les célébrations et les fêtes nationales et religieuses. Son message de liberté et de transgression est devenu universel, porté par des jeunes femmes et des jeunes hommes qui chantent et dansent pour la jeunesse de leur pays et du reste du monde.
Les dérives de l'appropriation culturelle :
Elvis Presley, Mickael Jackson...
Terminons en mentionnant des cas pour lesquels l'influence africaine a été dépassée et a mené à la dérive de l'appropriation culturelle. C'est le cas du Rock and Roll apparenté aujourd'hui a une musique « blanche » notamment popularisée par Elvis Presley. Ce qu'il faut savoir, c'est que la majorité des chansons du Roi du Rock and Roll sont des chansons d'artistes afro-américains qui ont été volées par Presley et sans jamais donner le crédit aux auteurs des chansons originales.
Une pratique malheureusement très courante en occident, par exemple, la chanson Wanna be startin' somethin' (1983) de Michael Jackson qui a utilisé la musique de l'artiste camerounais Manu Dibango et sa chanson Soul Makossa. Ce dernier s'en rendra compte trois ans plus tard et obtiendra, après une bataille judiciaire, une compensation financière de 150 000 euros qui semble dérisoire en comparaison aux millions de dollars qu'ont rapportés ce succès musical planétaire.
Par Caroline Coutant, 13 février 2023